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Bernard Snoy, después del Brexit, aboga por reafirmar firmemente los fundamentos del proyecto europeo, e implementarlos en beneficio de los ciudadanos.
Reproducimos aquí la reflexión en su versión original del Presidente de la LECE después del referéndum en el Reino Unido sobre la salida de este estado miembro de la Unión Europea
Réaffirmons fermement les fondamentaux du projet européen et mettons les en œuvre au bénéfice des citoyens
Bernard Snoy – Président International de la Ligue Européenne de Coopération Éonomique (LECE)
Mon père Jean-Charles Snoy (1907-1991), négociateur et signataire des Traités de Rome aux côtés de Paul-Henri Spaak, a été dans les années 1960-70 un partisan de l’adhésion du Royaume Uni à ce qui était alors la Communauté Economique Européenne. Ami d’Edward Heath, qui préfaça ses mémoires (1989), il pensait que le projet européen pourrait bénéficier du pragmatisme, de la tradition d’ouverture et du poids géo-politique du Royaume Uni. Combien il aurait été déçu de voir aujourd’hui le coup très grave donné par le Brexit au projet d’intégration économique et politique de l’Europe qui lui tenait tant à cœur.
Certes dans les années 1980, Madame Thatcher, avec Jacques Delors, a donné une impulsion très positive en soutenant l’Acte Unique de 1986 qui introduisit la décision à la majorité qualifiée pour toutes les directives nécessaires à la réalisation du Marché Intérieur, un marché intérieur qui prévoyait explicitement la libre circulation des marchandises, des services des personnes et des capitaux. Du Royaume Uni sont venus des Commissaires européens très appréciés tels que Roy Jenkins, Arthur Cockfield, Leon Brittan, Chris Patten et Peter Mandelson. Mais très vite le désamour s’est installé en raison d’une divergence fondamentale sur les finalités du projet européen : uniquement un grand marché ou « une union toujours plus étroite entre les peuples de l’Europe » menant à une véritable union politique. Divergence également sur la méthode, les Britanniques ne manquant aucune occasion de pousser la méthode intergouvernementale au détriment de la méthode communautaire, fondée sur le pouvoir d’initiative de la Commission et la prise de décision à la majorité qualifiée au Conseil ; d’exemption en exemption, le Royaume Uni n’a pas voulu se joindre aux deux initiatives phares qu’ont constituées l’espace Schengen et l’euro. En s’opposant systématiquement à toute expansion du budget européen et en plaidant pour une politique à court terme de « juste retour », il a rendu impossible la politique fiscale stabilisatrice nécessaire à la survie à long terme de la zone euro. Après s’être fait le champion de l’élargissement de l’Union européenne aux pays d’Europe centrale et orientale, politique qui, dans l’ensemble, a constitué un très grand succès, et après avoir renoncé aux périodes de transition autorisées pour accueillir les travailleurs des nouveaux pays membres, il a complètement viré de bord et transformé cette question de la libre circulation des travailleurs venant de ces pays en une pomme de discorde majeure avec l’Union européenne. Le Royaume Uni a aussi contribué, en s’associant à la guerre hasardeuse menée par l’Administration Bush en Irak, à la déstabilisation complète du Moyen-Orient et à l’avènement de DAECH, source d’une nouvelle vague migratoire extrêmement difficile à gérer pour l’Union. Enfin, la presse britannique, largement dans des mains étrangères, n’a jamais fait l’effort d’expliquer aux Britanniques le projet européen et n’a jamais cessé de railler ou de dénigrer les institutions européennes. Comment s’étonner dès lors du climat délétère qui s’est installé au fil des décennies entre Royaume Uni et l’Union européenne ?
Comment ne pas être déçus aussi de l’irresponsabilité d’un David Cameron, prenant le risque d’un referendum essentiellement pour se maintenir à la tête de son parti, et l’opportunisme d’un Boris Johnson, décidant de prendre la tête du Brexit dans l’espoir de remplacer son rival au 10 Downing street. Quelle tristesse que cette campagne où les tenants du Brexit n’ont pas hésité à mettre au premier plan la peur des migrants, ignorant leur contribution positive à l’économie, et à mentir de manière éhontée sur le risque d’une vague migratoire turque ou sur le montant des transferts budgétaires nets du Royaume Uni à l’Union qui en cas de Brexit viendraient renflouer la sécurité sociale. Quelle tristesse de voir le camp du maintien dans l’Union mené par ne Premier Ministre euro-sceptique, affirmant ne pas aimer Bruxelles mais avoir obtenu pour son pays des concessions significatives ; une campagne essentiellement négative, bien qu’économiquement exacte, mettant en exergue le coût du Brexit mais n’osant aborder clairement toutes les raisons positives de rester engagés dans le projet européen. Il n’est pas étonnant dans ces conditions que la psychologie identitaire anglaise l’ait emporté sur un calcul rationnel. La campagne a montré l’absence d’empathie d’une grande partie de la population à l’égard de ce que pourraient ressentir les autres nations européennes, sa profonde ignorance de notre interdépendance et sa défiance à l’égard de tout mécanisme de prise de décision à caractère supranational.
Mais à quoi bon l’amertume, la recherche des coupables ou le désir vain de punir le Royaume Uni ou de brusquer l’agenda des négociations. Gardons notre sang froid et voyons comment le Brexit peut se transformer en opportunité. Nous n’avons d’autre choix que de rebondir et de rebondir rapidement si nous voulons éviter les dangers de contagion et limiter le dommage que le Brexit fait à la réputation de l’Union européenne dans un monde dominé par les media anglo-saxons. Le Brexit est aussi un échec pour les institutions européennes et pour tous ceux qui ont soutenu le projet européen jusqu’ici. Il montre que nous n’avons pas su expliquer correctement ce projet et que ce projet, dépourvu d’une dimension sociale suffisamment affirmée, n’a atteint qu’imparfaitement son objectif central d’améliorer la situation des gens ordinaires. Pour ma part, je proposerais une refondation du projet européen, basée sur la réaffirmation calme mais ferme de ses fondamentaux, accompagnée d’une mise en œuvre de la méthode de Jean Monnet consistant à progresser par des pas concrets chaque fois que c’est possible:
C’est par rapport à la réaffirmation de ces fondamentaux, que les Britanniques n’ont jamais réellement acceptés, que les 27 autres Etats membres pourraient définir un agenda de réformes prioritaires et préparer leur position de négociation du divorce avec les Britanniques. Nous pourrions alors nous rassembler autour d’une sorte de refondation du projet européen initial, reformulé d’une manière plus cohérente, plus lisible et transparente et dès lors susceptible d’un meilleur contrôle démocratique. S’il faut avoir un projet clair, il faut aussi, comme Jean Monnet, s’inspirer de manière pragmatique des circonstances pour voir quels sont les domaines concrets où une percée est possible avec les hommes d’Etat au pouvoir et tenant compte des opinions publiques.
L’Europe a connu un grave revers avec le referendum sur le Brexit mais ce n’est pas la première fois qu’elle est stoppée dans son élan par un vote négatif dans un État membre. En août 1954, l’Assemblée nationale française refusait de ratifier le traité de la Communauté Européenne de Défense. Pourtant, comme mon père me l’a si souvent raconté, à peine neuf mois plus tard, les Ministres des Affaires étrangères de France, d’Allemagne, d’Italie et des pays du Benelux se retrouvaient à Messine et jetaient les bases d’une négociation qui devait conduire aux Traités de Rome. Pourquoi ne pas relever le défi et cette fois encore chercher à s’entendre de manière créative sur un sujet alternatif qui ne cessera de nous préoccuper à l’avenir : notre gestion commune de nos frontières en Méditerranée face aux menaces d’effondrement de l’espace de Schengen, notre sécurité et notre défense communes face aux dangers du terrorisme et de DAECH ?
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